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La photo Noir et Blanc

Longtemps, le noir et blanc était pour les photographes la seule manière de transmettre leur vision du monde. Mais l’apparition de la couleur n’a pas pour autant anéanti le genre et ce dernier bénéficie même d’un regain d’intérêt, grâce à la photographie numérique. Explications !

Photo : Paul Zizka I @paulzizkaphoto

Photo : Derek Kind

Photo : Sofie Conte I sofieconte.com

Photo : @ rudy_oei

Photo : Walter Rothwell I walterrothwell.com

Photo : Sofie Conte I sofieconte.com

Photo : _Ines.maria

Photo : Sofie Conte I sofieconte.com

Photo : shocky I Adobe stock

Photo : _Ines.maria

Photo : @_babak_kanoon

Photo : Walter Rothwell I walterrothwell.com

Photo : Walter Rothwell I walterrothwell.com

«  Quand le soleil est bas dans le ciel, vous bénéficiez alors des meilleures conditions : une plage tonale et une plage de contraste très étendues ainsi qu’un éclairage favorisant les textures »

« Le terme de plage dynamique sert à définir le taux de contraste que l’on peut trouver dans une image »

Une tradition artistique

Si la photographie couleur a fait une première apparition timide au début du siècle dernier, elle n’a commencé à gagner les faveurs du public qu’une cinquantaine d’années plus tard, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale pour être reconnue comme faisant partie du canon de l’art photographique. Les raisons de cette hégémonie sont multiples. 

D’une part, les tirages couleur ne bénéficiaient pas d’une longévité comparable à celle d’un tirage noir et blanc et de l’autre, la couleur était souvent considérée comme étant superflue, détournant le regard du spectateur de la véritable essence d’une image. Aujourd’hui encore, certains considèrent que le noir et blanc représente l’expression la plus pure de la photographie. Sans couleurs, il ajoute aux images un troisième degré d’abstraction et introduit même sa part de mystère, presque un monde imaginaire. Curieusement, notre mémoire collective retient surtout des images noir et blanc. 

Le milicien républicain de Robert Capa et la fille vietnamienne brulée au napalm de Nick Ut sont devenus de véritables images iconiques. Et les référents artistiques du genre tels que les paysages d’Ansel Adams, Edward Weston et Michael Kenna et les images de reportage d’Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau et Willy Ronis, conserveraient-elles leur beauté magique, presque indélébile ? Ainsi le noir et blanc parait intemporel, grâce à l’absence des couleurs, lesquelles trahissent immanquablement leur époque.

Choix esthétiques, avant tout !

Aujourd’hui, le noir et blanc n’est plus que le résultat d’un choix esthétique. Le numérique est passé par là… Les appareils photo numériques actuels proposent un mode noir et blanc natif (dès la prise de vue) et il est devenu facile d’ôter les couleurs avec son logiciel de retouche préféré. Notez qu’il est préférable de photographier en couleur pour ainsi produire des images monochromes de toute beauté. La couleur fait partie de l’ossature d’une image numérique. 

Reste que ce constat rend la prévisualisation d’une image noir et blanc beaucoup plus délicate. En fait, un photographe habitué à travailler en noir et blanc analyse toujours son sujet à la prise de vue, le prévisualisant sans couleurs. 

Pour cela, il tient compte des différentes étapes de postproduction, y compris ses traitements préférés (virage, vignetage, ajout de grain, etc.). À ce titre, plus on se projette dans l’image finale, plus on progresse à la prise de vue et meilleur est le résultat. Avec un appareil photo numérique, lequel produit par défaut des images en couleurs, il vous sera donc plus difficile d’anticiper son rendu en noir et blanc. 

Certes, la photo numérique nous offre un affichage quasi instantané du résultat (avant même la prise de vue avec la fonction LiveView), mais il faut savoir que ce dernier ne tient pas compte des immenses possibilités de la chaîne de traitement. S’il est possible d’afficher une image en noir et blanc, moyennant la sélection d’un style d’image, celle-ci n’est souvent qu’une pâle copie du résultat final, traité selon les règles de l’art.

Anticiper le rendu N&B dès la prise de vue

Une belle image monochrome se construit donc au moment de déclencher. Examinez le contraste tonal de la scène : y a-t-il des zones d’ombre ou de lumière intéressantes ? Si votre sujet ne comporte que des couleurs peu saturées, il y a de fortes chances pour que vous puissiez augmenter le contraste tonal a posteriori pour créer une image très contrastée. 

Et s’il possède d’emblée un contraste très prononcé, il sera prédestiné à un virage monochrome. Il existe alors plusieurs stratégies pour améliorer le rendu de l’image finale : ajouter une source d’éclairage pour augmenter ou pour atténuer le contraste, surexposer l’image pour rendre les hautes lumières plus claires ou la sous-exposer pour rendre les tons foncés plus sombres ou utiliser les curseurs du logiciel de développement Raw pour augmenter ou réduire la plage des tonalités. En repérant les lignes, formes et textures de son sujet, on imagine celui-ci en noir et blanc. 

Concentrez-vous sur ces éléments essentiels : quel serait le rendu de votre sujet, une fois débarrassé de ses couleurs ? Il faut distinguer les aspects techniques et les considérations esthétiques. La prévisualisation permet de déterminer avant la prise de vue si l’image peut être convertie en noir et blanc. Cette décision entraîne un certain nombre de choix, portant à la fois sur l’exposition, la composition, le cadrage et la gestion de la lumière. Elle incite à concentrer le regard sur les formes, les lignes et les textures ainsi que sur la qualité et la direction de la lumière, en tentant de faire abstraction des couleurs.

Bien analyser la lumière

La photographie est l’art de « peindre avec la lumière ». Cela est toujours vrai en noir et blanc. Ainsi la lumière de midi se prête bien aux photos d’architecture, mais elle est inadéquate pour des portraits, contrairement au temps couvert, peu intéressant en paysage. Il faut aussi faire la distinction entre la lumière diffuse et la lumière dure.

Présente à l’extérieur sous un ciel nuageux, la lumière diffuse réduit le contraste et génère des ombres aux contours diffus. Si elle peut paraitre terne et dénuée d’intérêt, elle se prête aux portraits, aux paysages forestiers ainsi qu’aux natures mortes. Elle ne pose jamais de problèmes de dynamique à la prise de vue et au traitement d’image. Il suffit de rehausser le contraste dans votre logiciel et d’optimiser la netteté et le contraste local pour récupérer une image digne d’intérêt. 

La lumière directe d’un jour ensoleillé est en revanche plus délicate à gérer. Elle rehausse le contraste de la scène et produit des ombres aussi profondes que dures et des hautes lumières faciles à écrêter. Cette lumière est souvent inadaptée aux portraits et paysages. Parfois, les ombres sont si photogéniques qu’elles deviennent le sujet principal d’une image. Un ciel d’orage peuplé de cumulus est un sujet préférentiel en noir et blanc. La lumière du jour est beaucoup plus belle le matin et le soir. Elle peut alors servir à révéler les formes, le volume et la texture de votre sujet. Bien que cela puisse vous paraitre étrange, la lumière colorée à l’aube ou au crépuscule se prête aussi aux images monochromes. 

Quand le soleil est bas dans le ciel, sa lumière parcourt un chemin plus long à travers l’atmosphère et apparait plus chaude. Elle est parfaite en couleurs et en convertissant vos images en noir et blanc, vous bénéficiez alors des meilleures conditions : une plage tonale et une plage de contraste très étendues ainsi qu’un éclairage favorisant les textures. Lorsque les conditions météorologiques sont peu favorables, la lumière est souvent très belle, incitant à la transformation monochrome et le traitement dit « low key ». 

La lumière dramatique d’un violent orage transforme les montagnes en silhouettes et met en valeur les rares parties éclairées d’une scène. Si de telles images comprennent de nombreux tons foncés et peu de tons clairs, veillez à ne pas brûler les hautes lumières afin de conserver des détails dans les nuages, quitte à en perdre dans les tons foncés. 

Peut-on donc tout photographier en noir et blanc ? Dans l’absolu oui même si le noir et blanc éprouve certaines difficultés à enregistrer les différentes couleurs en leur attribuant des valeurs de luminance bien distinctes. Cela dit, le contraste entre les couleurs ne représente finalement qu’un facteur parmi d’autres pour la réussite d’une image monochrome.

Gérer les couleurs en noir et blanc

Ce qui peut sembler paradoxal s’impose comme une évidence : la gestion des couleurs s’applique invariablement aux images monochromes, dont la plupart se basent sur des informations de couleurs sous-jacentes. Elle régit leur neutralité, leur luminosité et leur contraste. Les fichiers numériques ont recours à des nombres définis dans un espace couleur pour communiquer les couleurs. Les espaces couleur s’apparentent alors à des variations, parfois infimes, qui donneront une belle singularité à une image restituée en noir et blanc. 

De manière générale, un gamut très étendu facilite la communication des couleurs entre différents espaces et favorise ainsi leur reproduction fidèle. Le noir et blanc permet de s’affranchir des contrastes et harmonies de couleurs et de se concentrer sur les éléments de composition constituant la véritable ossature d’une image : les points, lignes, formes et textures. La suppression des couleurs ne saurait transformer une image insipide en chef d’oeuvre monochrome. Il est donc très important d’imaginer son sujet en niveaux de gris avant de déclencher.

L’art de composer en noir et blanc

La composition d’une image, qu’elle soit en couleurs ou en noir et blanc est primordiale. Le point est l’élément de composition le plus simple. S’il n’occupe qu’une petite surface, il domine la composition et commande une place prééminente dans l’image. Souvent, le point exhibe une forme indéfinie et se détache en même temps clairement d’un fond uniforme. 

Contrairement à la ligne, le point paraît statique et ne présente ainsi aucune tendance à se déplacer à l’intérieur du cadre. Si le centre d’une image accorde au point la plus haute importance, celui-ci produit alors le plus souvent des clichés qui manquent de dynamique. Il est donc avantageux de déplacer le sujet principal pour qu’il entretienne des rapports de tension plus prononcés avec les bords de la photo. 

En ajoutant un ou plusieurs points supplémentaires, la composition devient plus complexe, se nourrissant d’une part des relations entre les points et de l’autre des tensions entre ces derniers et les bords et coins de l’image. La présence de deux points incite le spectateur à faire un aller-retour incessant entre eux, reliés par une ligne imaginaire. Une succession de plusieurs points donne naissance à une ligne. Celle-ci relie différents points dans une image et définit aussi des formes, tout en divisant la surface en plusieurs parties. Elle parcourt une image de différentes manières, sous forme de lignes horizontales, verticales et diagonales. 

Elles sont particulièrement importantes dans une image monochrome. Mais encore faut-il les utiliser correctement : tirez parti de celles qui se dirigent vers votre sujet principal et évitez celles partant vers l’extérieur de l’image. La ligne horizontale est un des éléments de base dans une composition. Parallèle aux bords inférieur et supérieur du cadre, elle évoque l’équilibre, la stabilité et le calme. En tant que ligne d’horizon, elle nous parait aussi froide et distante. 

De manière générale, il faut éviter de placer l’horizon au centre de l’image. À la différence de l’horizontale, la verticale évoque la proximité et la chaleur, tout en lui apportant une sensation de hauteur et de grandeur. Quant à la ligne diagonale, elle accentue le dynamisme d’une composition, en y introduisant une sensation de mouvement, tension et instabilité. 

La plupart des scènes et sujets sont animés d’une ou de plusieurs lignes verticales et horizontales. Les diagonales peuvent souvent servir de lignes de force. Elles orientent alors le regard du spectateur vers un point d’intérêt particulier dans l’image. Parfois, une ligne épouse le trajet d’une courbe en S. Elle guide ainsi le regard du spectateur à l’intérieur du cadre.

Texture et volume

Si les couleurs suffisent souvent pour rendre une image intéressante, la texture est un des éléments importants en noir et blanc. Elle confère à l’image un rendu presque tridimensionnel. Pensez au mur d’un vieux bâtiment, à la patine du métal rouillé et la texture du bois écaillé. L’impact visuel d’une texture dépend fortement des conditions d’éclairage. Si la lumière rasante au début ou à la fin d’une journée contribue à l’accentuer, une lumière douce réfléchie par un ciel nuageux aide également à la faire ressortir, moyennant un peu de travail sur le contraste et l’accentuation en post-traitement. 

La lumière crue de midi, trop plate, est en revanche souvent inappropriée pour révéler les textures d’un sujet. Les formes et les volumes représentent, eux aussi, des éléments importants dans une composition en noir et blanc. Pour restituer la troisième dimension sur un support qui n’en compte que deux, il est en fait nécessaire de révéler les volumes. Mais là encore, il est important que le sujet se détache par sa luminosité et/ou son contraste avec l’environnement pour que ses formes puissent être mises en valeur. 

S’il existe de nombreuses manières d’aborder le cadrage, la règle des tiers est incontestablement la plus populaire : elle consiste à diviser le cadre en neuf parties égales, moyennant quatre lignes équidistantes (deux lignes horizontales et deux verticales). Pour obtenir une composition harmonieuse, l’élément de composition le plus important, c’est-à-dire le sujet principal, doit se trouver le long de ces lignes ou de leurs intersections. Cependant, dans certains cas, et notamment avec un format carré, il faut savoir enfreindre les règles de la composition !

Bien exposer en noir et blanc

En dépossédant une image de ses couleurs, la lumière devient un ingrédient stratégique. Hormis sa qualité, sa quantité est primordiale, car la restitution de toutes les nuances, à la fois dans les tons foncés et les hautes lumières, constitue une des clés pour la réussite d’une image monochrome. L’histogramme, bien qu’il soit un précieux outil pour analyser l’exposition, n’est pas censé remplacer votre vision créative.

 N’hésitez donc pas à privilégier certaines tonalités au détriment des autres. Les images de Ralph Gibson, James Nachtwey, Sebastião Salgado ou Jean-Loup Sieff témoignent d’une interprétation créative de la réalité. Afin de rendre l’ambiance de leurs photos plus dramatique et pesante, ces photographes privilégient souvent les tonalités sombres, caractéristiques d’une image sous-exposée. Les systèmes d’exposition de la plupart des appareils photo numériques sont étalonnés de manière à produire une exposition moyenne. 

Si le contraste de la scène outrepasse les capacités du capteur, l’exposition proposée par l’appareil produit parfois des images médiocres qui ne sont pas conformes à l’ambiance de la scène. Il faut donc reprendre la main en utilisant le mode Manuel ou la compensation d’exposition pour ainsi rendre justice aux tonalités extrêmes. Le plus souvent, on privilégie les détails dans les hautes lumières, même si cela conduit à sacrifier les nuances dans les tons foncés. 

D’une part, il est toujours possible de récupérer une partie des informations manquantes dans les ombres, de l’autre, les appareils récents sont équipés de capteurs performants en hauts ISO, autorisant une récupération des informations sans nuire à outrance à la qualité de l’image finale. Il faut toujours distinguer les informations utiles et inutiles. Lorsqu’une forte luminosité s’accompagne de couleurs saturées, il est souvent très délicat de conserver les hautes lumières. 

Parmi les remèdes possibles, citons l’emploi d’un filtre dégradé, la fusion de deux versions d’un fichier Raw ou alors celle de plusieurs expositions d’une même scène, effectuée manuellement ou à l’aide d’un logiciel dédié. Toutefois on pourrait sous-exposer ses images systématiquement pour éviter l’occurrence de hautes lumières sans matière. Mais la récupération de la sous-exposition initiale (« exposer à gauche ») tend à faire apparaître le bruit dans les parties plus sombres d’une image. Pour tirer parti de toute la dynamique du capteur, mieux vaut surexposer l’image de manière contrôlée (« exposer à droite »). 

Vous déplacerez ainsi les informations d’une image le plus possible à droite sur l’histogramme, là où elles sont les plus nombreuses, minimisant de ce fait le bruit dans les tons foncés. Si la technique de l’exposition à droite produit des tonalités plus riches en nuances et en netteté, elle ne se prête qu’à des fichiers Raw et des scènes dans lesquelles l’étendue de contraste est inférieure à la plage dynamique du capteur. 

Celle-ci est  vraiment efficace si votre sujet est peu remuant et/ou bien éclairé; et inopérant s’il impose le choix d’une ouverture ou vitesse d’obturation spécifique pour maximiser la profondeur de champ ou conjurer un flou de bougé.

Maîtriser les effets de contraste

Pour obtenir des effets de contraste, il y a deux paramètres à prendre en considération : la plage de contraste du sujet photographié et la plage dynamique du capteur de l’appareil. Le terme de plage dynamique sert à définir le taux de contraste que l’on peut trouver dans une image. Définie par le ratio entre le signal le plus fort et le plus faible, la plage dynamique s’apparente au rapport signal sur bruit. Le capteur d’un appareil photo reçoit, au même titre que l’oeil humain, des particules de lumière (photons).

 Mais son fonctionnement diffère en ce qui concerne sa réponse à la lumière. La vision humaine est de nature logarithmique et s’adapte aux conditions de lumière changeantes. Le capteur numérique présente un mode de fonctionnement linéaire : les photons sont additionnés sans appliquer de compensation et le niveau de luminosité d’un pixel est ainsi proportionnel à l’éclairement reçu. 

Dans une capture linéaire, le niveau correspond toujours au nombre de photons capturés et on observe ainsi un très grand nombre d’informations dans les hautes lumières et très peu dans les tons foncés. La capacité du capteur à enregistrer une grande plage dynamique est aussi limitée par des effets de saturation dans les hautes lumières et par le bruit dans les tons foncés. L’évolution des capteurs agit à la fois sur leur capacité à enregistrer un maximum de photons et sur le taux du bruit résiduel lorsque la lumière fait défaut. Si le Raw convient parfaitement pour couvrir la plage dynamique du capteur, le HDR s’impose pour aller au-delà des capacités intrinsèques de l’appareil. 

Pour maîtriser les écarts de luminosité d’un paysage ensoleillé ou d’un contre-jour, il suffit de saisir une séquence de plusieurs images, prises chacune avec une exposition différente et représentant un extrait de la plage dynamique de la scène. Les différents extraits sont ensuite réunis en une nouvelle image à grande étendue dynamique laquelle restitue toutes les informations du sujet photographié. Quelle que soit la méthode utilisée pour augmenter la plage dynamique du capteur, sachez que le noir et blanc s’y prête particulièrement bien : la transformation monochrome réduit, voire dissimule certains artéfacts disgracieux (bruit, halos, inversion de tons, etc.).

Ajuster le bruit

Alors que le grain, son équivalent de l’époque argentique faisait partie intégrante d’une photo, le bruit n’obtient pas toujours la grâce des photographes. Pourtant, en noir et blanc, sa présence n’est pas aussi gênante. Si le rendu des capteurs actuels s’approche de plus en plus de celui des surfaces sensibles argentiques, le bruit, lui, se distingue encore du grain. Il se manifeste davantage dans les tons foncés alors que le grain apparaît un peu partout, sauf dans les noirs et blancs extrêmes. 

L’aspect du bruit, un moutonnement plutôt qu’une granulation, est moins esthétique que celui d’un film : aux antipodes de ce dernier, ses contours sont vagues et imprécis. Suivant le capteur, l’exposition et la sensibilité, le bruit revêt différents aspects, plus ou moins incommodants. Sachez que globalement, plus la taille des photosites est importante, plus le niveau du bruit est réduit. Pour le corriger, deux approches s’opposent : la première s’ingénie à reproduire le grain d’un film argentique et la seconde à réduire, c’est-à-dire à lisser le bruit autant que possible. 

Il existe de nombreux logiciels permettant de reproduire la texture du grain (et le rendu des couleurs) propre aux films. Parmi eux, citons FilmPack de l’éditeur DxO, Exposure de l’éditeur Alien Skin ou OnOne BW Effects. Camera Raw et Lightroom possèdent également un générateur de grain. Quel que soit le logiciel utilisé, l’effet de grain est d’autant plus prononcé que les dimensions de l’image sont importantes. Pour l’apercevoir, il vous faudra produire de grands tirages. 

Sur le Web, l’effet restera en revanche mesuré. Il suffit de travailler à des sensibilités élevées pour être confronté à des rendus peu esthétiques. La conversion en noir et blanc, puis l’application d’une texture de grain peuvent alors servir de cache-misère pour dissimuler les effets les plus néfastes du bruit. Mieux vaut ne pas pousser le zèle trop loin avec l’outil de suppression de bruit de votre logiciel. 

En utilisant des réglages pondérés, vous conserverez au maximum la netteté et le piqué de vos images. Si les appareils photo récents produisent des fichiers Jpeg d’excellente qualité, il est fortement conseillé de travailler en Raw : le codage en 8 bits et la faible dynamique des fichiers Jpeg limitent leur potentiel en postproduction, y compris pour la réduction du bruit. Qui plus est, la netteté risquerait de souffrir davantage lors d’une seconde étape de traitement, effectuée au sein d’un logiciel d’image.

Le noir & blanc sans retouche

Si la transformation noir et blanc s’opère le plus souvent face à son écran d’ordinateur, il est possible d’effectuer tout ou une partie du travail dès la prise de vue. Les styles d’image sont une autre méthode pour produire des fichiers monochromes à la prise de vue. Il suffit de choisir, dans le menu de votre appareil photo. Celui-ci s’inscrit sous forme de texte parmi les métadonnées des fichiers Raw, mais s’applique de manière irréversible aux Jpeg. 

Malheureusement, la suppression des couleurs opérée par un style d’image monochrome n’est pas toujours avantageuse : lors qu’elle est effectuée dans un logiciel, la transformation noir et blanc produit souvent de meilleurs résultats en termes de séparation des couleurs et de contraste. Cela dit, les styles d’image offrent aux débutants une découverte à la fois facile et intuitive de l’univers monochrome, les rendus s’affichant instantanément sur l’écran LCD. L’enregistrement simultané en Raw + Jpeg offre le meilleur des deux mondes : il produit à la fois un fichier brut que l’on peut développer en couleur ou en noir et blanc et un autre compressé en noir et blanc, instantané et facile à partager. 

Si d’aucuns prétendent que les logiciels d’image sont à même de reproduire l’effet de n’importe quel filtre de prise de vue, il est souvent plus rapide de visser un filtre sur son objectif que de passer des heures à reproduire l’effet souhaité dans un logiciel. Certains méritent encore leur place dans un fourre-tout. Le filtre polarisant est sans doute le plus utile, son effet ne pouvant pas être reproduit a posteriori. Le filtre ne laisse traverser que la lumière polarisée et supprime ainsi une partie ou l’intégralité des reflets. Les couleurs du sujet paraissent plus riches et saturées, tandis que la réduction du voile atmosphérique augmente la netteté et le contraste des images. 

Un filtre ND est avantageux si l’excès de lumière empêche d’avoir le contrôle total sur les paramètres d’exposition, notamment lorsqu’il s’agit d’obtenir des vitesses d’obturation plus lentes. Photographier une chute d’eau en plein soleil est un des exemples classiques d’utilisation d’un filtre de densité neutre. On peut en trouver d’autres : le lissage des nuages dans un paysage. Le filtre gradué ND est particulièrement prisé des photographes de paysage. Il comporte une partie totalement transparente et une autre qui assombrit graduellement la moitié de l’image. 

Vous pouvez l’utiliser pour rendre plus dense un ciel sans pour autant modifier la luminosité du paysage. Sachez qu’aucune méthode de transformation noir et blanc n’est plus juste qu’une autre. Il s’agit simplement d’autant d’interprétations différentes d’une image en couleurs. « Tout devrait être rendu aussi simple que possible, mais pas plus simple. » En appliquant ce principe attribué à Albert Einstein, sélectionnez le rendu qui traduit au mieux votre vision monochrome du monde. 

Le noir et blanc est un art à part entière; et vous venez de découvrir à travers cet article les nombreuses facettes (avant et après la prise de vue) qui se cachent derrière la réalisation d’une image monochrome. C’est peut-être la raison pour laquelle le rendu noir et blanc est si estimé par les photographes et le public.

 

APPRENDRE À VOIR EN NOIR ET BLANC

Certains photographes visent à travers un filtre de visualisation monochrome comportant une teinte ambrée (Kodak Wratten 90 ou Tiffen no.1 B&W Viewing filter) pour obtenir un aperçu monochrome de la scène à photographier, d’autres portent des lunettes de soleil pour augmenter le contraste. 

Les appareils numériques nous livrent un aperçu encore plus fidèle : sélectionnez simplement un style d’image monochrome pour que l’aperçu dans le viseur électronique ou sur l’écran LCD se présente en monochrome. 

Cela fonctionne aussi en mode LiveView et en format Raw : le style d’image n’étant pas appliqué, mais seulement enregistré parmi les métadonnées du fichier brut, il se manifeste alors uniquement en traitant l’image avec le logiciel de développement Raw de votre choix. Il sera donc toujours possible de changer d’avis.

CONTRASTE ET RATIOS DE PUISSANCE

Si vous utilisez plusieurs sources d’éclairage, vous pouvez tirer parti des ratios de puissance pour réduire ou augmenter le contraste de votre sujet. Lorsque deux sources de puissance identique sont équidistantes du sujet (ratio 1:1), elles éclairent le sujet de manière uniforme, plus adaptée aux images en couleurs. 

En modifiant le ratio entre les deux sources à 8:1, une moitié du sujet sera beaucoup plus lumineuse que l’autre, contribuant à augmenter le contraste. N’hésitez pas à jouer avec des ratios de puissance différents et modifiez également la position des sources d’éclairage par rapport au sujet tout en essayant différents façonneurs de lumière (boîte à lumière, parapluie, etc.). 

Un éclairage de type Rembrandt éclaire davantage la partie du visage la plus éloignée de l’appareil photo et s’avère souvent très efficace pour créer des portraits expressifs.

Photo : Jonathan Koons

5 CONSEILS POUR LE NOIR ET BLANC

Une composition forte

En l’absence de couleur, la photo doit reposer sur d’autres éléments. Ils peuvent découler de choix liés à la composition, comme un premier plan intéressant ou des lignes qui conduisent le regard à travers l’image. Les textures comptent beaucoup en noir et blanc, de même que la répétition des formes ou des motifs, ou encore les géométries fortes. Inutile de charger l’image outre mesure ; en noir et blanc, les compositions les plus simples sont les plus efficaces.

Ne craignez ni le noir ni le blanc

Optez pour les blancs purs et les noirs purs dans l’image, même si cela doit se traduire par des hautes lumières grillées et des ombres bloquées. Augmentez le réglage Contraste, dans les menus de l’appareil photo, et recherchez des compositions vigoureuses.

La qualité de la lumière

La lumière peut faire ou défaire une photo. Un fort éclairage latéral est idéal pour révéler des textures dans des paysages, dans des photos d’architecture ou sur des portraits. Le contre-jour produit des images aux tonalités contrastées et il leur donne de la profondeur. Une lumière douce, en noir et blanc, peu contrastée, est idéale. Le réalisme importe peu

En ôtant la couleur, vous ôtez aussi du réalisme, ce qui octroie une plus grande liberté artistique et créative. Peu importe que l’image finale ne soit que peu ressemblante avec la scène d’origine. Si vous voulez la rendre plus sombre et ténébreuse, ou au contraire lui donner un aspect aérien et diaphane, allez‑y !

Pensez « noir et blanc »

Si vous désirez pratiquer réellement le noir et blanc, plutôt que de le considérer comme un plan B parce que la couleur ne donne rien, il est préférable d’y penser au moment de la prise de vue. Mieux encore : prenez la photo directement en noir et blanc. Vous développerez ainsi votre capacité à voir mentalement en noir et blanc.

CHOISIR SON ESPACE DE TRAVAIL

En photographiant en Jpeg, vous avez le choix entre deux espaces couleur : sRGB ou Adobe RGB. Sachez que la grande majorité des appareils actuels est capable de saisir des couleurs situées en dehors des gammes de ces espaces couleur, surtout dans le registre des jaunes et des cyans saturés. De fait, les couleurs les plus saturées n’apparaîtront jamais dans vos images. 

Il est donc préférable de travailler en Raw et de conserver aussi longtemps que possible les couleurs capturées par l’appareil photo. Les technologies utilisées pour afficher et imprimer des images évoluent sans cesse. De nombreux écrans sont à même d’afficher la quasi-totalité des couleurs de l’espace Adobe RGB. L’espace sRGB tronquerait inutilement les couleurs affichées.

5 TECHNIQUES DE PRISE DE VUE

Pose longue, très longue

Les filtres gris extrêmement denses, comme les Nuances extreme chez Cokin ou encore chez Hoya, autorisent des poses de plusieurs minutes, même en plein jour. L’eau devient ainsi soyeuse, les nuages se transforment en traînées et tous les éléments mobiles traversant le champ — des gens, des voitures, des bateaux… — disparaissent complètement. 

Ces effets sont parfaits pour obtenir de belles images artistiques en noir et blanc. Un trépied bien stable est nécessaire, ainsi qu’un déclencheur à distance et de la patience, mais le résultat est époustouflant.

Faites simple

Mettre trop d’éléments dans une photo n’incite pas le spectateur à s’y attarder. Elle devient beaucoup plus forte en supprimant tout ce qui est inutile. Le noir et blanc contribue efficacement à ce dépouillement, mais vous ferez mieux encore en choisissant judicieusement l’objectif et en vous déplaçant. Ne mettez dans une photo que ce qui lui apporte quelque chose. Éliminez tout le reste.

L’exposition créative

En noir et blanc, l’exposition « correcte » est une notion très subjective, car elle peut être réglée de manière à transformer complètement l’ambiance d’un lieu ou le rendu d’un sujet. Par exemple, en sous-exposant de ‑2, voire ‑3 IL, l’image devient très sombre, ténébreuse, tandis qu’en surexposant de +1, +2 ou même +3 IL, elle devient très claire, avec des hautes lumières grillées produisant un délicat effet de high‑key. La photo sera très différente du sujet ou de la scène d’origine, mais elle sera néanmoins plaisante tout simplement parce qu’elle est en noir et blanc.

Choisissez un thème

Pour améliorer votre sensibilité au noir et blanc, choisissez un thème, recherchez des sujets qui lui correspondent puis photographiez-les directement en noir et blanc. Portes, de fenêtre, de voitures, d’immeubles, etc. Décidez du nombre d’image à produire : 10, 20, 30… Cet exercice terminé, changez de thème.

Vitesse lente

La vitesse d’obturation sert normalement à figer un sujet et aussi à éviter le bougé de l’appareil photo. Mais avec un peu de créativité, elle peut produire de fantastiques effets en noir et blanc. Essayez le filé à 1/15s ou 1/30s, en suivant un sujet en mouvement pour que le fond soit flou, mais le sujet relativement net. Ou alors, bougez l’appareil photo au cours de la pose afin que tout soit flou. N’hésitez pas à expérimenter.

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ET EN ARGENTIQUE ?

Les films Agfa APX 25 Iso, ultra-fins, nourrissent les regrets de nombreux fans qui les chassent sur les sites de vente en ligne. Agfa diffusait aussi un film diapositive noir et blanc, le Scala (héritier de l’ancien Gevaert Diadirect) et ses adeptes peuvent essayer le Fomapan R100. Kodak commercialisait le Technical Pan, un film très contrasté avec un pouvoir séparateur très élevé, que l’on peut espérer remplacer par de la Rollei ATP 32. 

Finalement, si certains films ont disparu, d’autres nuances sont recréées par de petites entreprises qui ont racheté parfois des machines à de grands groupes ayant arrêté la production dans certains pays. On craint cependant pour le mythique Kodak Tri-X, qui pourrait subir le sort peu enviable de la diapositive Kodachrome, les adeptes de ce film peuvent constituer des stocks…

Eduardo

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