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Kyriakos Kaziras, animal par nature

White dream avait laissé un souvenir impérissable aux amateurs de faune arctique, et en particulier l’ours polaire. Avec Arktos, Kyriakos Kaziras subjugue ces territoires et cette espèce par de nouvelles images à couper le souffle et tellement poétiques.

 

Photo : Kyriakos Kaziras

Photo : Kyriakos Kaziras

 
 
 
Portrait de Kyriakos Kaziras

Portrait de Kyriakos Kaziras

 

« Il ne suffit plus de montrer mais de faire cohabiter de manière cohérente le fond et la forme »

 

« Il y a un travail de documentation et d’écriture indispensable dans la conception d’une œuvre photographique de nature et animalière »

 

Kyriakos, quels sont, aujourd’hui, les enjeux autour de la photographie animalière et de nature ?

 

Ils sont multiples. Il y a évidemment le propos historique qui était celui de documenter la faune sauvage, les écosystèmes ou encore les comportements. Qu’est ce qu’un lion ? Comment vit-il ? Où se reproduit-il ? Cette approche didactique continue à placer notre discipline comme un des meilleurs outils pour éduquer, découvrir et s’émerveiller sur le monde animal surtout vis-à-vis des jeunes générations.

Cependant le débat autour de la préservation de la biodiversité et du changement climatique a positionné le photographe comme un témoin central de cette dégradation et l’un de ses observateurs les plus légitimes pour alerter et dénoncer auprès du public ce que les scientifiques appellent désormais la 6ème extinction de masse.

Par la même occasion, la possibilité pour qui que ce soit de voyager aux quatre coins de la planète a banalisé la photographie naturaliste.

Dans ce contexte le photographe animalier a du réinventer son rôle en cherchant à développer un regard différent et sa capacité à mettre en image une histoire pour toucher un public totalement saturé d’images.

Quelque part, il devient un véritable « conteur » dont les histoires doivent continuer à captiver les foules. Pour moi, aujourd’hui, un travail photographique doit raconter une histoire. Nous sommes dans l’ère du storytelling.

 

Devons nous comprendre qu’il doit se considérer comme un artiste à part entière et pas un simple faiseur d’images, au cœur d’une production protéiforme ?

 

C’est exactement cela ! Je fais souvent une analogie avec le monde de la musique et l’équilibre que l’on peut ressentir dans une composition musicale aboutie.

Une exposition ou un livre photographique doit trouver une harmonie; et le photographe doit composer la meilleure musique possible pour son message, aussi personnel soit-il. Il faut avoir une vision et une grande confiance dans ce que l’on fait car il y aura toujours des gens qui te diront que ça ne marchera jamais ou qui posteront des critiques de manière trop spontanée sans prendre le temps d’analyser ton propos.

Il faut s’immuniser contre cette instantanéité, lutter contre un certain fatalisme et persévérer. On est en compétition avec personne, mais on doit se remettre en cause pour progresser. Le maillon faible, c’est le photographe, pas le matériel !

 

C’est donc de l’art avec un grand A ?

 

Oui, l’art revient à s’exprimer grâce à un support. Comment vais-je raconter mon histoire ? Quel médium dois-je privilégier (presse, livre, exposition) pour mon travail ?

Ces questions et le choix des outils qui vont être mis en œuvre sont devenus essentiels pour que le travail du photographe puisse continuer à avoir un impact auprès du public et rester légitime.

Qui dit histoire, dit story-board : il y a donc un travail de documentation et d’écriture qui est devenu indispensable dans la conception d’une œuvre photographique de nature et animalière. Il ne suffit plus de montrer mais de faire cohabiter de manière cohérente le fond et la forme. Surtout à notre époque !

 

Concrètement quels sont les impacts pour le photographe ?

 

Il doit acquérir des compétences et se muer en un véritable « homme à tout faire » pour conserver la maîtrise et le propos de son travail.

Il cherche des financements (le plus difficile car ce sont des budgets importants), modélise des concepts narratifs, intervient sur toute la chaîne de production et valide les supports tout en acceptant des risques (incertitudes du reportage, un engagement physique…) qui sont inhérents à ce métier et surtout apprendre à vendre ses projets.

En photographie de nature, rien n’est vraiment acquis. Il faut composer avec les incertitudes du monde animal qui obligent à faire preuve d’adaptation et de persévérance. Cela complique à tout moment l’accomplissement et la rentabilité de son travail.

Je voyage beaucoup mais je continue d’aller toujours aux mêmes endroits, plusieurs fois des années durant, pour documenter mon travail.

Montrer la beauté est essentiel et continue d’être le fil directeur de la photographie animalière et de nature, mais le photographe doit faire preuve de recul et éviter toute transgression morale car ce n’est pas non plus la solution si on veut préserver son message d’auteur.

Personnellement, je ne vis de mon métier de photographe que depuis quelques années, avant ce n’était pas possible. Il faut s’adapter aussi aux attentes du public, des médias et trouver un équilibre précaire entre son désir de créateur et la recherche d’un modèle économique pour vivre.

 

Le public est de plus en plus sur les réseaux sociaux ? Comment t’adaptes-tu ?

 

C’est vrai et je les utilise. Cependant certaines contraintes me dérangent : le recadrage sur Instagram par exemple qui ne permet pas de montrer toute la dimension d’un travail photographique qui ne peut se résumer à une seule et unique photo aussi réussie soit-elle.

Cette surenchère autour des followers pour avoir l’impression d’exister; mais ce n’est pas parce que ton compte fédère des centaines de milliers de membres que tu es assuré de pouvoir vivre de ton métier.

Encore une fois l’importance du modèle économique pour le photographe est vitale. Je vends des tirages à des collectionneurs qui privilégient encore les galeries ou les foires et pas les réseaux sociaux.

 

Le fond est donc plus important que la forme aujourd’hui ?

 

Oui, je pense. Malheureusement on entend de moins en moins les auteurs qui font un travail de fond. L’époque est plus à la légèreté, au divertissement et on privilégie plus les commentateurs que les acteurs alors qu’on est à un tournant de l’humanité.

Prenons l’exemple des ours polaires, leur situation est souvent liée au réchauffement climatique et à la fonte de la banquise. C’est certes un facteur aggravant mais la plus grande menace sur cette espèce animale est la chasse.

On ne peut pas dire que cette information émerge clairement dans les médias quand on évoque la gestion de cette espèce aujourd’hui. Basiquement est-il acquis par le plus grand nombre qu’il n’y a pas d’ours en Antarctique, seulement en Arctique ? Non je ne crois pas.

C’est la réalité et la contradiction du monde d’aujourd’hui. Les faits sont irréfutables mais la volonté politique et sociétale pour une préservation efficace des écosystèmes sauvages est encore très timorée voire secondaire.

 

C’est le propos de ton nouveau livre qui s’intitulera Arktos. Pourquoi avoir choisi cette espèce ?

 

Enfant, je considérais un ourson en peluche comme mon ami. C’était une sorte de totem qui m’a poursuivi toute ma vie. Je suis devenu photographe professionnel et j’ai souhaité photographier les ours en me conditionnant avec les rêves imaginaires de mon enfance.

Cela a donné White Dream qui est un de mes travaux photographiques les plus aboutis. Revenir sur ce sujet m’a paru évident pour développer mon message par rapport à ce premier travail. Je suis très attaché aux régions arctiques.

Le mot arctique vient du grec Arktos qui veut dire ours en référence à la constellation de la Grande Ourse visible dans l’hémisphère nord. D’ou le nom de mon livre dans lequel j’ai souhaité aller plus loin artistiquement parlant dans l’approche photographique.

Ce n’est pas forcément un plaidoyer virulent car j’ai un second projet journalistique en cours de préparation avec Morten Jorgensen qui documentera la situation réelle des ours polaires sur laquelle il me semble qu’on dit tout et n’importe quoi.

Savez vous par exemple que les mâles sont de moins en moins fertiles à cause de la pollution des océans par les métaux lourds ? Bref Arktos est un nouveau chapitre d’un acte créatif qui se conclura par ce projet d’investigation mené avec des scientifiques et qui me tient à cœur. Arktos s’annonce comme le pilier d’un discours en deux temps : émerveiller puis sensibiliser.

 

Qu’entends-tu par « aller plus loin artistiquement » ?

 

Depuis White Dream, mon regard a évolué et j’ose espérer que je suis devenu meilleur photographe. Il y a aussi l’idée d’exercer à nouveau mon regard alors que je me sens plus mature et mieux armé dans mon métier.

Pour White Dream, ce que j’ai vu ce n’est pas forcément ce qu’un autre photographe aurait vu dans les mêmes conditions. Il n’y a pas de vérité photographique, mais plusieurs réalités et la photo est un outil formidable pour montrer cette pluralité.

Bref j’espérais un regard neuf et plus aiguisé. Je me suis donc focalisé sur des partis pris artistiques comme les reflets, la prise de vue en contre-jour, la recherche d’effets graphiques à travers des jeux de ligne.

Mon approche a été plus picturale et onirique. Certains clichés du livre ne sont pas loin des rendus que l’on trouve dans le dessin. Il y a aussi une recherche plus extrême dans les cadrages.

J’ai moins utilisé le téléobjectif par exemple. Je suis allé à contre courant des habitudes et techniques usuelles de la photographie animalière.

 

Avec des ours polaires ?

 

Attention je ne suis pas un aventurier téméraire. Je suis plutôt lucide et je n’aime pas prendre de risques inutiles. Ce n’est pas parce que je me suis gelé les doigts que je vais réussir une meilleure photo.

Chaque expédition polaire est montée avec des guides locaux que je connais depuis plusieurs années. Ils me dictent ce que je peux ou ne peux pas faire. Ils ont une telle science du comportement animal sur laquelle je m’appuie en toute confiance.

Quand je tente cette photographie à bout de bras au grand-angle d’un bateau c’est parce que je sais qu’un ours qui nage ne peut pas monter dessus. Seule sa curiosité naturelle l’incite à s’approcher et à coller son nez à mon objectif. C’est une scène magique, presque initiatique de la vie animale.

 

Kyriakos, Afrique ou Arctique ?

Les deux. Je passe autant de temps en Afrique qu’en Arctique. J’ai besoin de me plonger dans ces deux univers. Les lumières sont différentes et les techniques de prise de vue aussi. Tout ça participe à un équilibre personnel auquel je tiens et qui m’incite à devenir meilleur à chaque expérience.

 

Instagram :

https://www.instagram.com/kaziras

Site :

https://www.kaziphoto.com/fr

Eduardo

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