Le bokeh entretient beaucoup de fantasmes chez le photographe qui voit dans ce rendu si singulier et si subjectif l’expression d’une signature artistique et personnelle. Explications.

Le RF 85 mm f/2 Macro IS STM conçu pour la gamme plein format EOS R chez Canon est un choix de prédilection pour le portrait avec son ouverture à f/2.

Ci-dessus, le magnifique exemple d’un bokeh maîtrisé et progressif sur un portrait magnifique réalisé avec un objectif récent à très grande ouverture, en l’occurrence le Nikkor Z 50 mm f/1,2 S.
« L’emploi d’une grande ouverture est donc privilégié pour flouter l’arrière-plan et isoler son sujet pour le mettre en valeur. »
Qu’est-ce que le bokeh ?
En photographie, comme en vidéo d’ailleurs, le bokeh qui signifie « flou » en japonais exprime ces zones indistinctes qui apparaissent sur un plan de l’image pour mettre en valeur un élément de sa composition. Elles caractérisent la création d’une image singulière et sa lecture.
Il n’est pas rare d’entendre les photographes s‘extasier sur un bokeh en admirant un cliché. Pour que ce flou d’arrière-plan soit équilibré, les dégradés doivent être progressifs et subtils.
De la douceur et de l’harmonie de celui-ci sont nés de nombreux qualificatifs éloquents. On parle alors d’une transition régulière et d’effet « crémeux » voire « vaporeux ». Dans le cas contraire, les termes sont tout aussi empathiques, on évoque un flou trop « brutal » voire « nerveux ».
Un retour aux sources
En diluant les détails dans le grain, l’argentique donnait plus facilement cette impression que les premiers appareils numériques, à qui l’on reprochait souvent des transitions trop grossières et brusques entre le premier et l’arrière-plan de l’image.
Les algorithmes de traitement de l’image alors employés accentuaient exagérément les parties nettes pour compenser l’effet des filtres passe-bas qui altéraient le piqué de l’image.
D’où la recherche permanente aujourd’hui de retrouver l’émotion originelle du film à travers des capteurs dénués de filtres passe-bas et le développement d’objectifs à très grande ouverture (f/1 à f/1,8).
Il fallait tirer la quintessence de capteurs à très hautes définitions et plutôt exigeants sur la qualité optique des objectifs employés.
Comment obtenir un joli flou ?
Le bokeh est directement lié avec la notion de profondeur de champ (voir Guide ÉTÉ 2020). Rappelons que celle-ci, dans une image, représente la zone de la scène que l’on souhaite photographier qui va être restituée nette sur un cliché.
Avec un appareil photo, vous avez la possibilité de pouvoir contrôler l’étendue de cette zone dans la profondeur. Pour cela, il y a trois paramètres sur lesquels vous pouvez agir : la distance de mise au point par rapport au sujet, la focale et l’ouverture.
Et plus un objectif est lumineux et plus cette zone peut-être courte. Dès lors, quand on utilise un objectif qui ouvre de f/1 à f/1,8, la précision de la mise au point est fondamentale. Sachez que plus vous vous rapprochez du sujet, plus le fond sera flou quelque soit le réglage des autres paramètres.
À même distance, plus grande est la focale, plus le sujet principal sera agrandi, et plus l’arrière-plan apparaîtra flou. Si on ne change ni de distance, ni de focale, plus l’ouverture choisie sera élevée et plus le fond se révèlera flou.
Aussi selon que vous souhaitez un avant-plan ou un arrière-plan de l’image net ou flou, vous choisirez une ouverture différente de diaphragme. Il en résulte que plus petite est l’ouverture, plus grande est la plage de netteté disponible.
Mais ce n’est pas le seul critère. La focale de l’objectif l’est tout autant : plus elle est élevée et moins la profondeur de champ est importante. La combinaison de ces facteurs est primordiale pour maîtriser l’effet du bokeh.
Quels objectifs pour quels usages ?
L’offre du marché en matière d’optiques ultra-lumineuses est pléthorique. Au traditionnel f/1,8 avec lequel bon nombre d’entre vous ont débuté, il est désormais courant de trouver des objectifs ouvrants à f/1,4, f/1,2 avec le Nikkor Z 50 mm f/1,2 S et désormais à f/1 avec le Fujinon XF 50 mm f/1 R WR.
Toutefois l’emploi d’un tel matériel nécessite de la part du photographe une très grande précision sur la mise au point.
Le moindre écart, surtout sur des capteurs aussi définis, et le flou espéré pour mettre en valeur son sujet principal sera décalé tandis que l’effet créatif ne sera pas obtenu.
Il faut aussi avoir à l’esprit que ce rendu dépend des formules optiques et de la conception du diaphragme de l’objectif (lamelles circulaires ou hexagonales). Tous ces facteurs participent à la « mythologie » qui entoure les commentaires autour du bokeh.
Certains objectifs, sont rentrés au panthéon du mythe que représente, aux yeux du photographe, le sceau d’un flou maîtrisé sur un cliché ; lesquels revendiquent une véritable signature artistique. De tels objectifs sont désormais au catalogue de la plupart des fabricants.
Ainsi le photographe de rue qui recherche de grandes zones de netteté privilégiera un grand angle et se cantonnera à l’utilisation de petites ouvertures pour obtenir des plans nets sur toute la longueur d’une ruelle prise en diagonale.
Par contre en portrait, le photographe qui cherche à fixer l’intensité d’un regard cherchera une transition immédiate dès les yeux du sujet vers un flou d’arrière plan harmonieux.
Dans ce registre l’emploi d’un 85 mm f/1,8 ou f/1,4 ou encore un 105 mm comme le Sigma 105 mm f/2,8 Macro DG DN sont idéaux. De même en macro ou proxy-photographie, la mise en valeur d’un premier plan est essentielle.
L’emploi d’une grande ouverture est donc privilégié pour flouter l’arrière plan et isoler son sujet pour le mettre en valeur. C’est la raison pour laquelle le bokeh est devenu si subjectif et verse parfois dans la fantasmagorie car il dépend entièrement du propos que veut porter un photographe dans une image. Et les options sont multiples.
FOCUS SUR L’OUVERTURE
L’ouverture est présentée sous forme de fraction en rapport avec la focale. Elle est indiquée sous la patronyme « f/x » ou encore « Fx ».
Elle peut être constante (f/2,8) ou glissante (f/4,5-6,3). Pour chaque cran d’ouverture, la lumière baisse de moitié : f/2 laissant passer deux fois moins de lumière que f/1,4, et f/2,8 deux fois moins que f/2…
La progression normalisée en « crans » est la suivante pour une optique standard lumineuse : f/1,4 – f/1,8 – f/2,8 – f/4 – f/5,6 – f/8 – f/11 – f/16.
Cette ouverture est formée par des lames mobiles qui s’écartent et se rapprochent pour faire passer la quantité de lumière demandée ; leur construction pouvant avoir une influence sur la qualité des flous en arrière-plan.
On recherche plutôt une forme circulaire à l’ouverture alors qu’elle était très souvent hexagonale au siècle dernier.
Cette indication est donnée dans les fiches techniques des objectifs (9 lames circulaires par exemple) alors que les modèles d’entrée de gamme sont plutôt pourvus de 7 lames, pas toujours arrondies.