La puissance des algorithmes des logiciels actuels aurait pu faire penser qu’il n’y avait plus aucun intérêt à utiliser des filtres. Il n’en est rien. Explications.

« Les filtres n’ont pas d’égal pour obtenir un contraste et des couleurs plus naturels, équilibrer une scène ou réaliser une pose lente »

Les filtres, qui ont connu leur heure de gloire aux temps anciens de la photographie argentique, retrouvent grâce aux yeux des photographes d’aujourd’hui. Ils n’ont pas d’égal pour obtenir un contraste et des couleurs plus naturels, équilibrer une scène ou parvenir à réaliser un filé (pose lente).

Ils participent aussi à comprendre certains fondamentaux de la prise de vue (triangle d’exposition) et permettent de se concentrer totalement sur son cadrage. Photographier devient alors une expérience enrichissante et ludique, qui dépasse le simple effet visuel.

Sachez que les filtres modernes sont le résultat d’une ingénierie de pointe en matière de conception optique. Leur fabrication emprunte la même exigence qui gouverne à la conception des objectifs eux-mêmes.

Verres spéciaux, traitement nano, hydrophobe, anti-reflets et anti-tâches sont de la partie pour offrir une qualité optique superlative.

Les familles de filtres

Le choix de ses filtres est dicté par le parc optique que vous possédez. Il existe deux formats : l’un est circulaire, l’autre est carré et nécessitera l’emploi d’un porte-filtres pour l’adapter sur l’optique.

Le choix d’un filtre circulaire (Cokin Nuance Protector et ND ND32-1000 et ND2-400, Hoya Pro ND1000), que l’on visse devant la lentille frontale, est souvent dicté par la taille du diamètre de l’objectif, généralement un grand angulaire, et un système de bagues adaptatrices permettra de le monter sur votre parc.

Notez alors que vous ne pourrez pas cumuler l’effet de plusieurs filtres avec ce système. Enfin ces verres sont montés sur une bague en aluminium fine et moulée par pressage pour assurer un maintien mécanique qui garantit une planéité parfaite du filtre.

Le format carré (Cokin Nuances Extreme 1024 ND), est évolutif dans le sens ou le porte-filtre (citons le modèle EVO chez Cokin) autorise de l’utiliser sans être contraint par un diamètre et permet de cumuler plusieurs effets lors d’une même prise de vue.

C’est un outil commun qui s’adapte grâce à un jeu de bagues. Au-delà du format, les filtres se caractérisent aussi par leurs effets. On distingue trois grandes catégories : les UV et polarisants, les filtres neutres et dégradés neutres, les filtres créatifs.

UV et polarisants

Les filtres UV, à l’origine, étaient employés pour bloquer les radiations lumineuses à ondes courtes (ultraviolet) qui permettent de réduire les effets néfastes du voile atmosphérique par exemple.

Cependant bon nombre de photographes l’emploient de manière permanente pour protéger la lentille frontale de leurs précieux objectifs. Sachez qu’il existe chez Cokin le modèle Protector dans la gamme Nuances qui assure les deux missions.

Le filtre polarisant a un usage plus spécifique et marqué. Il permet d’éliminer les reflets indésirables (à travers une vitre par exemple) et de renforcer la saturation des couleurs. Le contraste de l’image est alors plus accentué.

Son effet, que nul logiciel actuel ne peut reproduire, est souvent probant quand on photographie un littoral ou une étendue d’eau. L’effet varie en actionnant la rotation du filtre qu’on choisira de préférence circulaire.

À noter que l’emploi de cet accessoire entraîne en général la perte d’un diaphragme. Ce qui peut aussi être précieux pour faire des poses lentes.

Densité neutres et dégradés neutres

Ces filtres sont étudiés pour compenser de grands écarts de contrastes. En paysage, ils sont devenus indispensables pour compenser l’intensité lumineuse sur tous les plans de l’image.

Il peut y avoir de tels écarts que leur usage est indispensable pour conserver du détail dans toutes les zones de l’image ou renforcer un aspect visuel plus dramatique.

Les filtres neutres ont pour vocation de diminuer la quantité de lumière qui va frapper le capteur de l’appareil en passant par l’objectif afin d’éviter une surexposition. Ils sont aussi précieux pour obtenir de longs temps de pose de plusieurs dizaines de secondes même en plein jour.

Ils permettent de travailler à vitesse lente et à pleine ouverture. La plus haute densité (ND1024) étant celle dont l’effet sera le plus marqué comme par exemple lorsqu’on photographie une cascade pour obtenir un effet cotonneux sur l’eau.

Le photographe matérialise ainsi  le mouvement de l’onde grâce à cet effet créatif simple à obtenir avec ce type de filtre.

En vidéo ils permettent de garder une grande ouverture et de jolis flous d’arrière plan avec un temps d’obturation qui évite les saccades sur un sujet en mouvement.

Privilégiez les filtres avec un traitement multicouche pour vous prémunir du flare et autres reflets parasites, et conserver une certaine neutralité et un bon piqué d’image.

Les filtres dégradés neutres (GND  de l’anglais Graduated Neutral density) sont destinés à équilibrer les zones de fort contraste dans une image, entre le ciel et la terre (voir exemple page 40). C’est souvent le cas en photo de paysage.

Ces écarts qui sont souvent rédhibitoires pour envisager une retouche sur un ordinateur et offre un rendu qui ne diminue pas le piqué, les détails ou le contraste de votre image finale.

Dans cette catégorie les filtres Cokin Nuance Extreme proposent différents types de transition (soft, centrée, inersée) avec des graduations de 2 à 4 diaphragmes.

De même il existe des filtres dégradés neutres inversés (Nuance Extreme ND16) qui assure une transition opposée, du plus dense au centre du filtre au moins dense en haut du filtre.

Il permet un effet moins marqué que le dégradé neutre tout en assurant une compensation d’exposition efficace de 4 diaphragmes.

Les filtres créatifs

Ils sont nombreux et la combinaison de leurs effets permet de développer une approche artistique à nulle autre pareille. Le filtre anti-pollution lumineuse est une vraie tendance sur le marché actuellement.

Son effet permet de gommer les dérives colorimétriques de l’éclairage urbain et est aussi trés précieux en astro-photographie pour photographier la Voie lactée par exemple.

Autre star du moment, les filtres diffuseurs  qui permettent d’adoucir la lumière et d’obtenir un rendu plus naturel. Les center spots, quant à eux, permettent d’accentuer un effet de lumière singulier comme un halo par exemple.

Les deux sont souvent utilisés en photographie de portrait.

Citons également les filtres de conversion pour ajuster les gammes tonales quand on utilise un appareil argentique, ou qu’on souhaite minimiser ou accentuer l’influence de certaines sources de lumière.

Les bonnettes macro sont des lentilles convergentes qui rapprochent le plan de mise au point en réduisant la distance mini inhérente à l’objectif utilisé. Une manière de s’essayer à la macrophotographie à moindre frais.

Les filtres Noir et Blanc offrent un véritable terrain d’expression créative qui par un jeu d’association de couleurs offre des rendus saisissants et prononcés.

Enfin les filtres infrarouges montrent un aspect de la lumière invisible pour créer des effets dramatiques, étranges et parfois surréels.

Focus sur le porte-filtres EVO

EVO est une évolution du célèbre système CREATIVE. La platine principale du porte-filtres EVO est usiné en aluminium, ce qui le rend à la fois résistant et léger.

Modulaire, il peut recevoir jusqu’à 3 filtres dans des glissières. Le plateau est équipé d’un revêtement spécifique et plus résistant que les anciennes mousses, conçu pour bloquer les fuites de lumière lors d’une pose longue.

Plusieurs tailles sont proposées qui correspondent à des diamètres qu’on prendra soin de faire correspondre avec son parc d’objectifs.

JAMAIS SANS MON TRÉPIED !

L’emploi de filtre suppose souvent des temps de pose très longs. L’emploi d’un trépied (voir la rubrique S’équiper page 35) est recommandé.

Il assure confort et sécurité lors de ces prises de vue qui peuvent parfois excéder 10 minutes. Il n’est pas inutile dans ces conditions de se munir de plusieurs accus pour tenir la distance.

TÉMOIGNAGE

RAPHAËLLE MONVOISIN

Photographe basée à Reykjavik, et récente lauréate des Zooms 2019, Raphaëlle Monvoisin nous explique pourquoi elle utilise des filtres lors de ses prises de vue dans les paysages islandais.

Raphaëlle, pourquoi utiliser un filtre ? Dans quelles conditions ?

Certains environnements sont particulièrement propices à l’usage de filtres, afin d’obtenir un effet esthétique particulier ou pour éviter des écarts de luminosité importants.

Lorsqu’on est face à des paysages très contrastés, entre ciel lumineux et roches sombres par exemple, l’usage d’un filtre dégradé neutre (GND) permet d’ajuster l’exposition, évitant la surexposition du ciel tout en conservant un environnement lisible.

Atténuer les reflets à la surface d’un lac grâce à un filtre polarisant ou figer l’eau tumultueuse d’une rivière avec filtre ND sont des pratiques qui offrent des possibilités créatives.

Quels sont tes filtres préférés ? Pourquoi ?

Je suis tout particulièrement attirée par les ambiances oniriques et atmosphériques dans mon approche photographique, et les filtres ND me permettent d’accentuer ces atmosphères dans mes photos, en figeant par exemple des cascades faisant rage, leur donnant ainsi un aspect laiteux et brumeux, ou en usant des poses longues sur des nuages en cavale les jours de grand vent.

Par ailleurs, l’usage des filtres GND m’est bien souvent indispensable depuis que j’évolue en Islande, tant les paysages volcaniques sont contrastés et texturés, et les ciels d’une luminosité intense.

www.raphaellemonvoisin.com